Bonjour Nicolas et merci de bien vouloir m’accorder quelques instants de ton temps si précieux pour répondre à mes questions. Peux-tu, en quelques mots, te présenter aux lecteurs français.
Né en 1971, je suis avocat de formation. J’ai travaillé comme juge d’instruction de 1999 à 2010 et travaille depuis 2011 – et encore actuellement – comme procureur de la République et canton de Neuchâtel, en Suisse, avec une spécialisation dans la répression du trafic de stupéfiants. J’écris des polars depuis 2010, à raison d’un par an.
Procureur de la République en Suisse, ce n’est pas un métier facile, quel est ton quotidien ? (ça fait longtemps que je voulais te poser cette question, c’est mon côté curieuse !
En Suisse, le procureur dirige la police judiciaire durant la phase de l’instruction (nous n’avons plus de juge d’instruction en Suisse depuis 2011), constitue le dossier, puis s’il n’ordonne pas de classement au terme de l’enquête, va défendre la cause devant le tribunal comme représentant de la société et de l’intérêt public. Le procureur assume un service de permanence et doit être appelé par la police pour toute infraction grave ou autre événement sérieux (homicides, accidents mortels, morts suspectes, incendies, braquages, accidents ferroviaires, accidents d’avion, etc.). Selon les situations, il décide s’il se déplace ou non sur les lieux.
Te sers-tu de quelques faits réels pour écrire tes livres ?
Oui, mais en respectant scrupuleusement le secret de fonction et le secret de l’instruction. Je vais donc plutôt décrire des choses très générales, comme par exemple les dégâts que cause une balle ou un coup de couteau dans un corps humain, la détresse des familles des victimes, le travail de la police judiciaire, de la police scientifique, du médecin légiste, des agents de détention, des experts psychiatres, des avocats… Bref, de tous les intervenants avec qui je suis directement en contact dans le cadre de mon travail, incluant l’ambiance et les dialogues qu’on peut avoir avec ceux-ci sur une scène de crime ou plus tard dans l’instruction.
Une anecdote pour le fun !
Quand à quatre heures du matin, le médecin légiste a sorti d’un sac en plastique le bassin congelé d’un corps découpé et a lâché très sérieusement «ça va être difficile de prendre la température rectale». Avec les flics de la PJ, nous mangions des biscottes à la confiture de myrtille qu’une employée du CHU nous avait amenées, car nous n’avions rien mangé depuis de nombreuses heures. Nous avons dû cracher quelques miettes sur le sol de la salle d’autopsie, en essayant de réprimer un fou-rire (de fatigue et de nervosité).
Proc. c’est un travail intense (quoi qu’en Suisse, il ne se passe pas grand’chose « rires » !) comment fais-tu pour concilier travail et écriture ?
Je ne sais pas, mais j’y arrive. Sans sacrifier les heures de sommeil dont j’ai besoin. Il est en outre primordial pour moi d’être parfaitement à jour dans mon travail, car avec mon hobby chronophage et médiatique, on me guette au contour et on pourrait – plus facilement qu’avec n’importe quel autre collègue – me tomber sur le dos si je devais commencer à accumuler du retard injustifié ou des erreurs. Donc, c’est peut-être paradoxal, mais mon hobby me booste pour gérer mon travail de manière encore plus professionnelle.
Lorsque tu as commencé à écrire, dis-nous quel a été l’élément déclencheur ?
Un voyage de dix jours au Kenya. Je n’ai emporté qu’un seul livre dans mes valises, Le Vol des Cigognes de Jean-Christophe Grangé. Arrivé à Mombasa, je l’avais terminé. Plus rien à lire. Impossible de trouver un livre en français sur place. Alors, inspiré que j’étais par l’histoire passionnante de Grangé, j’ai écrit le scénario d’Ilmoran, l’avènement du guerrier (qui deviendra le tome 1 de la trilogie massaï) et j’ai rédigé le premier jet du manuscrit en deux mois, entre mi-octobre et Noël 2010.
Quelles sont tes lectures ? un livre en cours ?J
Je lis actuellement Qui a tué Heidi ? de mon collègue et ami Marc Voltenauer. De manière générale, je lis assez peu. A vrai dire, seulement en vacances et presque uniquement des polars. Et j’évite absolument de lire quand je suis en phase de rédaction d’un roman, sinon cela influence mon écriture et mon style.
Quels sont tes auteurs favoris ?
Jean-Christophe Grangé (mais pas tous, essentiellement les premiers), Frank Thilliez, Bernard Minier, Jo Nesbo, Arnaldur Indridason et plein d’autres (mais surtout des Français et des Nordiques ; très peu d’Américains).
Tu t’auto-publies depuis 2010, il me semble, après 8 romans publiés chez Book Editions ; est-il indiscret de te demander si les éditeurs français commencent à se manifester ?
Je suis actuellement en contact avec cinq éditeurs parisiens, en vue de la parution de mon prochain polar, que j’espère en 2018 (un quart du manuscrit est rédigé). Comme aucun contrat n’est encore signé, je garde pour l’heure secrets les noms de ces cinq éditeurs. Tous m’ont approché spontanément, après avoir entendu parler de mon succès en Suisse.
Quelques mots sur EUNOTO qui sort dans quelques jours ?
EUNOTO est un polar dont l’histoire se situe dans les huit cantons (départements) de la Suisse romande (francophone). Cette approche m’a permis de développer des questions d’entraide pénale qui se posent entre ces huit régions, puisqu’en Suisse, nous connaissons le fédéralisme, chaque canton étant souverain en matières judiciaire et policière sur son propre territoire (même si la procédure pénale est nationale). J’en ai aussi profité pour parler de certaines nouvelles technologies, comme par exemple la virtopsy (autopsie virtuelle avec scan 3D du corps) ou les divers usages des drones (tant du côté de la police que des criminels). EUNOTO est un second prequel à la trilogie massaï, dont l’histoire se situe entre la fin d’EMORATA (premier prequel) et ILMORAN (tome 1 de la trilogie). Il peut cependant se lire indépendamment des quatre autres livres (pas d’obligation de les avoir lus avant).
Un coup de gueule, un coup de cœur, dis-nous tout Nicolas, lâche-toi.
Petit coup de gueule : la Suisse ne soutient pas assez la culture, de manière générale. En particulier, pour un pays trilingue (même quadrilingue si on inclut le Romanche), les traductions pêchent sérieusement. Les auteurs en vue, qu’ils soient francophones, germanophones ou italophones, devraient être traduits de manière beaucoup plus systématiques dans les autres langues nationales.
RV à FSH pour notre deuxième salon, on se réjouit, un mot à dire sur PEDM ?
La première édition de PEDM à laquelle j’ai eu le privilège de participer restera gravée dans ma mémoire. Quel succès ! Même pour un petit Suisse comme moi, inconnu en pays bordelais. L’affiche était alléchante et celle de la seconde édition l’est tout autant, si ce n’est plus. L’accueil fut sans faille, grandiose. Donc, je kiffe complètement à l’idée de reprendre l’avion pour Bordeaux et FSH en mai 2018 !
Merci Nicolas d’être aussi disponible pour les lecteurs français.
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