top of page
Photo du rédacteurLes Psychopathes du Polar

Marin Ledun, parlez-nous de vous !

Dernière mise à jour : 14 nov. 2018

Bonjour Marin,

Je vous remercie de partager ce petit moment avec moi.

Mon souhait à travers cet échange est de faire découvrir la personne mais aussi l’auteur que vous êtes et pourquoi pas le lecteur !

Je prends le relais de Marie-No, le stress est là ! J’avoue être intimidée, peut-être parce que je ne vous connais pas très bien, donc cet échange va être encore plus riche !

Les psychopathes du Polar ne pouvaient pas réaliser cette série d’interviews sans consacrer du temps à un des premiers auteurs présents à leur coté dans cette belle aventure leur parrain !


C’est parti ! Bonjour Louise.

Un petit thé, un café, une bière ?! Un café, noir, bien serré, avec plaisir.

Marin, pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas, pourriez-vous vous

présenter ?

Je suis né le 7 mai 1975 à Aubenas, en Ardèche, et suis l’ainé d’une famille généreuse de six enfants. En dépit d’une nature chétive, je me mets très tôt au(x) sport(s) (aviron, athlétisme, natation, ski de fond, escalade, randonnée, etc.) que je pratique assidûment par plaisir jusqu’à ce que je devienne fumeur, puis avec rage par esprit de contradiction et pour tenter de sauver ce qui peut l’être encore.

Comment vous décririez-vous de caractère ?

Bonne question, à laquelle je n’ai pas (vraiment) de réponse : névrotique, comme tout le monde ?

Quelle a été la place de la lecture dans votre enfance ? Que lisiez-vous ?

Je suis de la dernière génération grandie sans « bidules » (tablettes, smartphones, Aïe-phones, Internet, portables, etc.). La télévision tenait une place minuscule chez moi. Et la littérature jeunesse, dans les années 80, se limitait la plupart du temps aux bibliothèques roses et vertes, Fantômette, Le club des cinq, etc. Très tôt, je me suis retrouvé avec des livres entre les mains, grâce à mes parents. Très tôt, je me suis ennuyé de cette littérature enfantine et ai donc pioché dans la bibliothèque familiale « pour adultes », qui faisait la part belle aux classiques de la littérature française, Stendhal, Zola, Flaubert, Dumas, Jules Verne, aux romans de la jeunesse de mes parents, Giono, Pagnol, Camus, et aux « américains » : Hemingway, Erskine Caldwell, etc. Et ça ne s’est jamais arrêté depuis.

Quelles études avez-vous suivies ?

Bizarrement, alors que j’étais très littéraire (enfin, si ça signifie quelque chose), je me suis orienté vers un DEUG en Sciences économiques, puis j’ai bifurqué en Sciences de l’Information et de la Communication, filière que j’ai poursuivie jusqu’à l’obtention d’une thèse de doctorat plutôt théorique, autour de la notion d’idéologie de communication, soutenue en octobre 2003. Pendant toutes ces années, j’ai délaissé le roman et la poésie au profit de la théorie, de la philosophie marxiste et structuraliste, de la sociologie critique, principalement, et de la psychanalyse. J’en ai bouffé. J’ai aimé ça. J’ai donc énormément lu, dévoré cette « littérature » si particulière, qui m’a permis de grandir, d’effectuer une sorte de modeste rupture épistémologique, comme dirait Althusser, et de changer radicalement ma façon de voir le monde. Pour mieux revenir à la littérature et au roman noir, ensuite.

Quelles sont les causes pour lesquelles vous vous battez ?

Qu’est-ce qui vous anime ?

Je ne suis pas un homme à « causes », mais je crois pouvoir dire, même si c’est d’une banalité affligeante, que j’exècre toutes formes de domination exercées par l’homme sur les autres hommes ou sur son environnement. Le souci écologique est par exemple fondamental et j’essaie, modestement, de le mettre en pratique dans mon quotidien – notamment par mon mode de vie, rural, potager, propension à l’autonomie alimentaire, anticonsumériste, etc. Ça vient de mon éducation paysanne en même temps que de mon anticapitalisme primaire. Je vis comme cela depuis plus de dix ans.

Maintenant que nous vous connaissons davantage, parlons de l’auteur qui est en vous !

Avec plaisir.

Comment en êtes-vous venu à l’écriture ? Est-ce un besoin ?

Disons que c’est ce que je sais le mieux faire. Bâtir des histoires, élaborer des personnages pour les incarner et trouver la manière de les raconter, avec ce souci de omniprésent de tâcher d’illustrer des questions que je me pose et auxquelles je n’ai pas trouvé de réponses dans d’autres livres. Dans Les visages écrasés, par exemple, la question était « Pourquoi des gens choisissent-ils de mettre fin à leurs jours pour leur travail ? ». Dans Salut à toi ô mon frère, autour de l’histoire d’une famille dysfonctionnelle et joyeuse, multiculturelle et multiethnique, je me suis demandé comment, en trente ans, la jeunesse est passée du rejet de l’extrême-droite populiste en France à une adhésion massive. Voilà ma façon de travailler, sommairement. Je me pose des questions, puis je mets en scène ces questions dans mes romans.

Vous avez écrit une quinzaine de romans. Habituellement, les journalistes ont tendance à classer les auteurs dans des « cases », dans quel genre vous classeriez-vous ?

Evidemment je déteste les cases. Paradoxalement, je revendique assez facilement celle du roman noir, le roman de critique sociale, la littérature qui parle des gens et de la façon dont ils vivent ensemble. Le roman noir est une littérature des rapports sociaux, des individus en société. C’est une littérature de la vie. C’est une littérature essentielle, à mon sens, depuis le roman social du 19ème siècle jusqu’aux auteurs contemporains tels que David Peace, James Ellroy, Thierry Jonquet, Pascal Dessaint, Jean-Hugues Oppel, Antonin Varenne, Dominique Manotti, Antoine Chainas, etc.

Comment procédez-vous lorsque vous êtes en période d’écriture ? Avez-vous des rituels ?

Je lis, j’écris et j’alterne écriture et activités manuelles (bûcheronnage, menuiserie, maraîchage, etc.). J’immerge. Je n’ai pas de rituel particulier. Simplement être au calme, chez moi, avec les gens que j’aime. Et de l’eau, du café et des pâtes. Beaucoup de pâtes.

Faites-vous relire vos écrits au fur et à mesure de votre avancée ?

Pas vraiment. Ma compagne est ma première lectrice. Elle est une lectrice fantastique, critique, dure s’il le faut, empathique aussi, tout ce dont j’ai besoin. Mais je préfère rédiger de gros blocs, pendant des mois, avant d’oser proposer le texte à la lecture d’un tiers.

Parlez-nous de vos romans ? Un vous tient-il plus à cœur que les autres ?

Là encore, pas vraiment. Avec du recul, je sais que certains romans sont meilleurs que d’autres, mais je crois pouvoir dire que je les ai tous écrits pour de bonnes raisons et je suis fier de chacun d’entre eux. Tous ont leur petite histoire personnelle. Tous m’ont permis de m’améliorer et d’écrire le suivant, d’apprendre à écrire, d’apprendre à améliorer ma façon de raconter des histoires et à définir mon approche du roman noir. Ce qui fait que je crois sincèrement, à chaque nouvelle publication, que mon dernier roman est le plus juste, le plus abouti et qu’il va toucher les lecteurs. Jusqu’au suivant.

Comment vous documentez-vous pour écrire vos livres ? Interview ? Enquête de terrain ? Recherches en bibliothèques, internet ?

Lecture. Beaucoup de lecture. De tout : romans, presse, essais, poésie, théâtre, blogs, forums de discussion, échanges mail, téléphone, etc. Puis observation et écoute. Je crois que le métier de romancier obéit à quatre règles : lire, écrire, être curieux du monde qui vous entoure (donc faire fonctionner tous ses sens : observer autour de soi, écouter, au besoin sentir, toucher)… et n’obéir à aucune règle !

Quel lecteur êtes-vous ? Réussissez-vous à lire lorsque vous écrivez ?

C’est indispensable. Je ne comprends pas les écrivains qui expliquent ne pas vouloir être distraits ou perturbés pendant les phases d’écriture. Comment un (bon) livre peut-il vous perturber ? Je crois que la lecture stimule la créativité, l’imaginaire. Les livres font partie du monde et vous emportent. L’écriture des autres ne télescope pas ma propre écriture. Au contraire, elle la stimule, la protège, la relance, parce que l’écriture des autres est différente de la vôtre, donc enrichissante.

Est-ce que d’autres projets vous animent ? Pouvez-nous vous en parler ?

La construction d’une passerelle en bois d’acacia, sans vis, avec pour outils une tronçonneuse, une hache et des ciseaux à bois. Voilà mon projet du moment.

Le 3 mai sort Salut à toi ô mon frère paru chez Gallimard, ce roman serait différent ? Est-ce vrai ? En quoi ?

Salut à toi ô mon frère est lié à tous mes romans précédents parce que c’est un roman social, mais différent parce que je me suis laissé porter par cette part d’optimisme béat en la nature humaine qui est aussi en moi. 2017 a été une année compliquée, pour moi, pour plein de raisons personnelles, et j’ai eu une folle envie de gravité et de rire, qui se sont traduits par ce roman, l’histoire d’une famille nombreuse folle, subversive, dysfonctionnelle et aimante, qui fait corps dans l’adversité. J’ai eu envie de m’amuser, avec leur histoire, avec les mots, avec les codes. Le roman noir n’est pas que violence. Le roman noir nous parle de la vie et des gens. Le rire en fait partie. Et la jouissance. J’ai écrit ces deux romans, Ils ont voulu nous civiliser et Salut à toi ô mon frère dans la foulée, dans le même contexte et, pour moi, ils sont les deux faces d’un même roman noir : la colère et la jouissance, l’individu et le groupe, la peur et l’ouverture, la détresse et le plaisir. Le repli et la fête.

Que faites-vous le 12 mai ?! Cette date vous tient-elle à cœur ? Pourquoi ?

Le salon organisé par Pépita et Marie-Noëlle le 12 mai me tient particulièrement à cœur parce qu’il est l’histoire d’une bande de passionnées décidées à aller au bout de leurs envies pour faire partager les histoires qu’elles aiment lire et leur amour du genre « polar ». Je trouve cela admirable et infiniment respectable.

Un petit mot pour Pépita et Marie-No ?

Merci. Mille fois. Et continuez tant que l’envie sera là.

Un dernier mot ?

Quelques coups de cœur du moment, à partager : My absolute darling de Gabriel Tallent, Les affinités de Robert Charles Wilson et Hével de Patrick Pécherot. Et, comme toujours, lisez et relisez Le petit arpent du bon dieu d’Erskine Caldwell, Moby Dick de Melville, Martin Eden de London et Car de Harry Crews.


En conclusion, je remercie, Marin, pour cette première interview que je réalise. C’est très sympathique d’en apprendre davantage sur vous en tant qu’auteur, lecteur et sur l’homme que vous êtes !


9 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page