4ème de couverture
Un fourgon de transport de fonds est attaqué par trois hommes. Butin : un million deux cent mille euros en petites coupures qui étaient destinées à alimenter les distributeurs de billets de la région. Mais le braquage, s’il a bien réussi, prend une tournure barbare et dégénère dans ses grandes largeurs. Un vieil homme mauvais comme la gale, son fils soumis, une jeune femme indépendante et rebelle et d’autres personnes peu fréquentables mais très intéressées par le magot vont interférer et évoluer en milieu hostile, dans une nature foisonnante et isolée. Dans ce récit crépusculaire, l’adjudant Walter Brewski est une nouvelle fois embarqué dans une enquête âpre et plus noire que la nuit. Une aventure où la violence et la cupidité se disputent le premier rôle.
Extrait : (très compliqué de choisir !)
D'aussi loin qu'il se souvenais, il avait été un homme en colère. En colère contre ses parents, contre son frère, contre l'instituteur, contre le vent, contre le jour, contre lui-même probablement. Il avait toujours vécu grignoté par cette chose, il s'était habitué à sa présence, à moins que ce soit elle qui l'ait amadoué. Elle était devenue sa compagne, sa maîtresse, une entité qui savait l'écouter, quelque chose qui faisait écho à son coeur d'écorché. Alors il avait passé son temps en colère, c'était son état normal, un sentiment peu démonstratif, une chose belliqueuse, mais étale, qui semblait sommeiller, mais qui pouvait jaillir en une seconde et transformer ses yeux en cratères de volcan. Comme cette nuit-à.........
Mon verdict :
Régalée, je me suis régalée à lire ces 329 pages de noir, car c'est du noir de chez noir.
Sebastien Vidal nous avait déjà habitués à cette noirceur avec WOORARA et CARAJURU
AKOWAPA est la fin de cette trilogie menée par l'adjudant Walter BREWSKI.
Donc je suis partie en vacances en Corrèze, heu en vacances pas tellement en fait, il s'y passe pas mal de choses là bas, mais ça vous le savez déjà puisque vous avez lu la 4ème.
En fait je parle de vacances car Sébastien Vidal nous fait visiter le département comme personne. Je me suis laissée bercer et embarquer par ces descriptions tellement détaillées des paysages, des couchers de soleil, des levers de soleil, la nuit, la forêt, les oiseaux, la faune, la flore.... et c'est l'automne....
Et puis il y a les personnages, tout aussi noirs, leurs démons, leurs peurs, leurs vies en somme. Ils sont décortiqués avec dextérité, J'ai eu un vrai coup de coeur pour GUSTOU.
Après ces quelques vacances, j'ai rangé mon dico. car je dois vous dire que Sébastien Vidal manie la langue avec agilité...Mais au fait ça veut dire quoi AKOWAPA ? j'ai pas trouvé...Alors la réponse bientôt....
J'ai beaucoup appris en lisant AKOWAPA merci Sébastien pour cet excellent moment de lecture.
Pour les amoureux du genre, c'est celui là qu'il vous faut.
Tout de suite, la suite ! ITW de sébastien, à ne pas manquer
Un énorme merci à toi d’avoir accepté de te prêter au jeu du Q/R.
- Tu veux bien nous raconter un peu ton enfance et surtout tes lectures d’enfant ? un souvenir particulier ?
SV : J’ai vécu toute mon enfance en Corrèze, la plus grande partie dans un village qui s’appelle Saint-Privat, dans un petit coin du département que l’on nomme Xaintrie. Mais j’ai passé quelques années sur le fameux Plateau de Millevaches, de très bons souvenirs. Pour les gens de ma génération, l’enfance en campagne était synonyme de totale liberté, les activités étant peu nombreuses nous devions nous-mêmes les inventer. Fabrication de cabanes, au sol ou dans les arbres, parties de gendarmes et de voleurs dans les bois, jeux de guerre (ah les mecs et la guerre…), la pêche, les champignons, les explorations (vieux manoirs, grottes, anciennes usines etc…). Bien sûr il y avait la télé, pas mal de séries et de dessins animés. Mais très vite, tout minot, comme j’étais dans une famille qui lisait beaucoup, j’ai lu, et plus rien n’a été pareil. Mon souvenir particulier de cette époque est la relation que j’avais développée avec une tourterelle surnommée « Pupuce » et que j’avais apprivoisée. Nous faisions des numéros « de cirque ». Je lui faisais un signe spécial et elle décollait pour venir se poser sur ma tête. Nous étions très complices. Le matin, je me réveillais souvent au son de son chant, c’était merveilleux.
- Tu as toujours vécu en Corrèze ? pour en parler si bien .
SV : J’y ai grandi, ensuite je suis parti longtemps pour le boulot. Et j’y suis revenu dès que j’ai pu. C’est pour cela que cet endroit est si ancré en moi. Les années de l’enfance sont décisives, ce qui s’y passe se grave pour toujours dans un recoin secret de notre cœur, c’est notre bien le plus précieux, et on l‘emporte partout avec nous. Mais surtout, à l’époque où j’étais gamin, notre attention n’était pas perturbée (j’aurais pu dire polluée) par toutes les sollicitations du monde numérique. Nous pouvions passer beaucoup de temps assis sur un mur à regarder la nature, observer les manies des oiseaux, entendre leurs cris, leurs chants, contempler la course des feuilles qui s’enroulent dans le vent, la courbe des hautes herbes. L’enfance c’est le temps béni des expériences, on teste, on essaie, on goûte. C’est l’apprentissage par l’empirisme. Et puis à la campagne, c’est plus facile de s’émerveiller parce que le rythme est différent et que chaque jour l’environnement est changeant, les couleurs, les odeurs, les formes.
- Quelle place avait la littérature chez tes parents ?
SV : J’ai été élevé en grande partie par mes grands-parents paternels, ils lisaient beaucoup, mon grand-père énormément. Il lisait de tout, des biographies, des romans, pas mal de choses ayant un rapport avec l’Histoire, c’était un homme extrêmement curieux des choses et du monde. Il lisait longtemps le soir, au lit. Mais dans la journée, il pouvait ouvrir un ouvrage au hasard et se faire piéger et y passer plus de temps qu’il ne l’aurait cru. Ma mère a toujours beaucoup lu, ma marraine aussi. C’est ma marraine qui m’a offert mon premier dictionnaire.
- Quand as-tu commencé à écrire ? et quel a été l’élément déclencheur ?
SV : Je serais tenté de dire que j’ai toujours écrit. Gamin j’attendais avec impatience le moment de la rédaction, où l’on devait raconter ses vacances, une partie de pêche, les sujets classiques de l’école primaire. C’est passionnant parce que comme toute la classe a le même sujet, tu dois trouver des solutions pour être original, dénicher l’astuce, le personnage, la situation qui va faire la différence. Au collège je me régalais encore plus et comme j’avais de bonnes notes en rédaction, ça m’encourageait. J’ai gardé ça en moi. J’ignore s’il y a eu un élément déclencheur à tout cela, je crois que j’ai toujours eu ce « truc » en moi. Je n’ai pas vraiment eu le choix. En revanche je me souviens parfaitement de l’instant où ça a basculé. C’était pendant la grossesse de mon épouse, Sandra. Nous attendions notre premier enfant, une fille. A l’époque, j’écrivais juste des petits trucs, des textes courts, qui pourraient s’apparenter à des poèmes, toute proportion gardée. Et je me suis dit qu’au lieu de conserver un souvenir de cette période unique avec des photos, j’allais tenir un journal et raconter à ma fille pas encore née ces mois qui précèdent, et aussi les premiers sur terre, au grand air. Là, j’ai réalisé à quel point j’aimais écrire, et l’idée de continuer avec un roman a fait son chemin, doucement…
- J’ai suivi ta trilogie et franchement je me suis régalée, c’est diablement bien écrit. Du coup je me demande ce qui t’a amené à nous décrire ces ambiances très noires, c’est voulu, c’est ton état d’esprit ou c’est un exercice dans lequel tu te sens bien ? et pourquoi ?
SV : Chaque territoire possède un côté pile et un côté face. Il est possible d’y voir la lumière ou l’obscurité. Cet état cohabite aussi en chaque individu, c’est ce qui en fait sa richesse et tout son intérêt. L’exercice du Noir, c’est de mettre l’accent sur ce qui ne va pas dans une société, chez des individus, une famille, un groupe, les défauts, les aspérités, le mal. En cela, nous, les auteurs, ne sommes pas si différents des médias qui font leur miel du malheur et du drame. Seule la motivation diffère. Pour nous il s’agit de montrer (voire dénoncer) pour que peut-être, (et ce n’est pas une obligation pour le lecteur), il se passe quelque chose dans l’esprit de celui qui lit. Sans avoir la prétention de faire passer un message, un roman peut apporter des éléments intéressants qui disent la société, et qui donc peuvent faire évoluer des points de vue. Un bon polar ne peut pas faire l’économie de ce côté social et sociétal, raconter le monde dans lequel on évolue est passionnant, ce serait dommage de passer à côté. Si un polar se résumait à résoudre une énigme à la fin d’une enquête on se ferait vite chier à l’écrire, et à le lire. Maintenant, pour ce qui est de savoir si c’est mon état d’esprit, je ne crois pas. Je suis plutôt positif comme garçon, mais réaliste aussi (j’espère). Mais peut-être que mon style se prête bien au genre, à la noirceur. J’ai toujours préféré les chansons tristes aux chansons gaies.
- Parlons un peu de tes personnages qui sont extraordinaires, ce sont tes voisins ? tes amis ? j’ai eu un coup de cœur pour GUSTOU, il existe vraiment ?
SV : Je te remercie de les trouver extraordinaires. Si c’est le cas, c’est que j’ai réussi mon travail d’écriture. Un roman n’est rien sans les personnages. Ils sont le cœur du livre, ils le tiennent à bout de bras. Dans un roman, on parle souvent de l’intrigue. L’intrigue ceci, l’intrigue cela. Mais l’intrigue est mineure. D’ailleurs le Maître (Stephen King, explique dans son fabuleux livre « Ecriture, mémoires d’un métier », qu’il faut se méfier de l’intrigue. Je crois même, si je me souviens bien, qu’il dit qu’elle est sournoise.) L’intrigue, ce sont les événements qui jalonnent le livre. Alors que les personnages écrivent l’histoire. L’histoire, c’est que ce que font les personnages. Donc, si tes personnages ne sont pas suffisamment travaillés, s’ils n’ont pas une véritable identité du point de vue du caractère et du vécu, si tu ne leur donnes pas leur propre parler, une diction particulière (qui ne se voit pas dans l’écrit mais que bizarrement le lecteur entend), un vocabulaire spécifique, des expressions, des gestes bien à eux, une vision du monde dans lequel ils vivent, alors tu n’as aucune chance de faire naître des émotions chez les lectrices et lecteurs (bonnes ou mauvaises émotions), et si un personnage ne suscite pas d’empathie ou de dégoût, d’amour ou de haine, alors il ne fonctionne pas, c’est un poids mort pour le récit. D’ailleurs chez moi, les personnages arrivent toujours en premier à l’orée d’un roman. Ils se présentent les uns derrière les autres au fil des semaines. Ils se côtoient, se reniflent, s’affinent. Ils peuvent passer plusieurs mois dans ma tête à se bonifier. Je pense à eux sans cesse, je réfléchis, je façonne, nous nous apprivoisons mutuellement. Quand ils sont prêts, je sais que je peux commencer à écrire. Ce sont eux qui commandent en fait. Je sais que cela peut paraître surprenant, mais c’est comme ça que ça marche.
Je peux me régaler à lire un bouquin dans lequel il ne se passe pas grand-chose (la fameuse intrigue), parce que les personnages sont puissants, dessinés au millimètre, qu’ils sont crédibles, humains jusque dans les moindres replis. J’ai en tête un roman qui étaye cela. C’est Wilderness, de Lance Weller, édité chez Gallmeister. On ne peut pas dire que ça soit trépidant, c’est posé, mais les personnages ! waouh !
D’ailleurs, et je finirais là-dessus, le territoire, le paysage peuvent très bien être un personnage. Un personnage certes immobile, sans pensées, sans sentiments, mais qui influe quand même sur l’histoire et qui interagit avec les autres personnages de chair et d’os.
Je suis touché que Gustou t’ai émue, parce que j’ai beaucoup bossé sur lui. Et pourtant il ne fait que passer dans le récit, preuve que la force d’un personnage ne se forge pas sur la durée. Dans chacun des ouvrages de la trilogie il y a comme ça, l’air de rien, un ou deux personnages qui parlent de la société, celle qui trime, qui peine à joindre les deux bouts, qui se précarise, qui se lève tôt comme disait un ancien président. Ces gens invisibles, qui passent sous les radars des technocrates et de l’administration sont admirables. Ils sont le cœur et l’âme de ce pays. J’en connais, nous en connaissons tous. Ceux de mes romans n’existent pas en vrai, mais je pense qu’il y en a des milliers comme eux. Ecrire sur eux est un privilège. Jim Harrison, « Big Jim », disait qu’il écrivait pour donner une voix à ceux qui n’en ont pas. Je crois que tout est dit.
- La musique est visiblement un élément qui te tient à cœur (bon il faut avoir lu les livres) dis-moi quel est ton groupe préféré….Attention à ce que tu vas répondre !!!!
SV : Wouaw, difficile de citer un seul groupe ou artiste. C’est cruel. Si on parle de groupe, je crois que j’ai quand même un faible pour Dire Straits. Evidemment, ceux qui viennent juste de devenir majeurs ignorent de quoi je parle (rires). Si on parle d’un artiste, je ne peux pas dissocier Jean-Jacques Goldman, Michel Delpech, Cabrel et Bashung. De l’autre côté de l’Atlantique c’est incontestablement Bruce Springsteen. Oui je sais ce que tu penses, il n’y a pas de femmes dans cette liste. J’en écoute, mais elles ne figurent pas sur le podium. Un de mes grands regrets est de ne pas savoir jouer d’un instrument. Je compte bien y remédier.
- WOORARA, CARAJURU et AKOWAPA, c’est quoi ces titres, tu peux nous en dire un peu plus ?
SV : Au début, quand j’écrivais Woorara, le titre de travail était « Trois balles dans la peau ». Quand j’ai achevé le roman, le titre ne me plaisait plus, je le trouvais fade, pas en phase avec le contenu du manuscrit. C’est en lisant un roman (Le philosophe qui n’était pas sage, de Laurent Gounelle) que j’ai trouvé le titre, Woorara. Il y avait un rapport entre ce que désignait ce mot en langue vernaculaire de certaines tribus d’Amazonie et le thème principal du livre qui était la vengeance. Et puis j’adorais l’idée d’avoir un titre en lien à la fois avec du végétal et un autre endroit du monde, ça mettait en évidence le côté universel de l’histoire. J’aimais beaucoup le principe d’avoir un récit très ancré dans un territoire (la Corrèze) et un titre qui ouvrait sur le monde et en même temps un lien direct avec le thème du livre. J’ai renouvelé l’expérience avec Carajuru (encore un végétal d’Amazonie) et Akowapa (qui veut dire « davantage » en langue sioux lakota), ce qui va parfaitement avec le thème principal qui est la cupidité. Je remercie mon éditrice de m’avoir suivi sur ce chemin casse-gueule.
- Quels sont tes livres fétiches ?
SV : J’ai une immense admiration pour Antoine de Saint-Exupéry. Mon livre fétiche est un des siens, Terre des hommes. Dans ce livre, il raconte quelques-unes de ses aventures vécues lorsqu’il était dans l’Aéropostale. Mais loin de se la raconter, il passe sont temps à parler des autres, ses amis, ses coéquipiers. Il y a dans ce livre d’une grande humanité, des pages absolument sublimes sur l’Amitié, la camaraderie, l’aventure. Les chapitres sont parcourus d’une écriture poétique, sublimée par la philosophie de l’auteur, c’est magistral. Je pense notamment à cette métaphore pour parler de l’Amitié, celle qui se construit avec le temps : Il est vain si l’on plante un chêne, d’espérer s’abriter bientôt sous son feuillage.
Mais je crois que le premier livre qui m’a impressionné c’est L’or, de Blaise Cendrars. J’étais au collège, je me suis dit « putain, on peut faire ça avec des mots ! ». Ensuite il y a eu quand j’avais 15 ans, dans un autre genre, Stephen King (Charlie, le personnage de l’agent Rainbird m’avait terrorisé, quel régal) et Claude Michelet, que j’ai découvert dans la bibliothèque de mes grands-parents quand j’étais adolescent.
Au collège je ne foutais pas grand-chose, donc je lisais beaucoup en douce, pendant les cours. C’est au cours de mon année de troisième que je suis tombé sur Les raisins de la colère, de John Steinbeck, choc assez phénoménal. Le vieil homme est la mer aussi, et les Misérables évidemment.
- Quel est ton livre de chevet là tout de suite ?
SV : Je ne vais pas être original. Je lis Germinal, d’Emile Zola. Et je suis époustouflé.
- Quel est le livre que tu aurais aimé avoir écrit ?
SV : Aucun. Un livre est tellement personnel, impossible de s’imaginer pouvoir l’écrire à la place de l’auteur. En revanche je me réjouis d’en avoir lu certains, et me régale en pensant à ceux qui me restent à découvrir.
- Penses-tu être capable de nous sortir un polar jeunesse ou un polar à mourir de rire ?
SV : Ce n’est pas dans mes envies, mais qui sait de quoi après-demain sera fait ?
- Dis-moi Sébastien, entre nous, un coup de cœur ? un coup de gueule ? lâche-toi…ou pas, c’est comme tu veux.
SV : Je suis d’un naturel positif, alors coup de cœur. J’ai lu très récemment Les cœurs déchiquetés, d’Hervé Le Corre. Tout à l’heure nous parlions des personnages, de leur importance. Dans ce roman noir les personnages sont ciselés, fignolés jusqu’à la moelle. On souffre avec eux, pour eux, on passe par toute la gamme d’émotions possibles, un très grand livre qui m’a fait verser des larmes, tout comme Les étoiles s’éteignent à l’aube, de Richard Wagamese, un putain de bouquin aussi.
Je crois que j’ai été très bavard. Je te remercie pour ton intérêt, ta fidélité et pour ta passion des livres, de la littérature. Comme disait Philip Roth « la littérature ne peut rien, et c’est pour ça qu’elle est essentielle ».
En tout cas, je te remercie infiniment d’avoir bien voulu te prêter au jeu. Je me réjouis de te rencontrer au détour d’un salon car j’ai encore une tonne de questions à te poser ...encore merci et bravo pour cette trilogie qui vaut le détour.
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